• L'OEUVRE DE DOMINIQUE ROLIN 4

    Dans La Voyageuse nous retrouvons, tout comme dans le roman précédent (Le Gâteau des morts), cette manière d'allier tradition et modernité. Pour ces débuts de chapitre l'auteur joue sur la typographie. Les mots en lettres majuscules dans un texte en minuscules ne constituent pas, en tant que tels, une marque de modernité. Mais, dans le cas présent, le fait que des phrases complètes soient à moitié rédigées en lettres capitales, et que ces moitiés soient les reprises exactes des titres de chapitres, voilà qui apparaît comme une marque de modernité. Le changement de casse en plein paragraphe et sur une moitié de phrase n'est pas une technique utilisée dans les romans traditionnels. Ce n'est, par ailleurs, pas la seule marque de modernité de cet ouvrage. Nous y trouvons des passages de type ‘roman réaliste' ainsi que d'autres passages faisant place aux onomatopées, phrases nominales, ou coupées, ou disloquées comme le montrent les trois citations suivantes :

    « Judith Cladel, sœur aînée d'Esther, habitait au quatrième étage du 6 de la rue Furstemberg. Quand je lui rendais visite, le petite place lumineusement ombragée me mettait, si j'ose dire, en condition. » [1]

    « La fureur me fait râler.

    Et...

    ... Prodige en silence ! Gasp ! Sob ! Sigh alangui en forme de fusée ! ... » [2]

    « Un peu plus tard usés jusqu'à la corde ils se quittent enfin. Rues de nouveau piétinées. Escaliers grimpés. Ascenseurs. Clés dans les serrures. Portes ouvertes, portes fermées. On se love. On s'endort. On se lève. On se lave. On regagne avec précipitation le sol du dehors. La terre est là, toute proche. » [3]

    La simple appellation roman ne semble pas devoir suffire à La Voyageuse. Avec Le Corps, le terme roman pouvait être remis en cause [4], s'agissant d'une introspection psychologique de la narratrice et ne proposant aucune intrigue, aucune histoire. Ici, il semble que le lecteur soit plus devant un roman fantastique (tels ceux de S. King ou E. Poe) qu'en présence d'un roman ‘réaliste' car il s'agit d'une projection de la narratrice dans l'au-delà, ce qui provoque des passages dignes de la littérature fantastique :

    « Lointaine, lointaine image en biais : en 1978 à New York où je séjournais pour la première fois, les bouches de chaleur fumant au milieu des avenues et des rues avec une sorte de grâce évaporée m'avaient beaucoup troublée sans que je sache pourquoi. Aujourd'hui je l'apprends : le sol exhalait à demi -mais à demi seulement- l'ombre blanche de certains morts hésitant au seuil de leur cachot de fer. Ils auraient voulu s'évader, ils ne le voulaient pas suffisamment. Toujours sucés par leurs propres cadavres, ils se bornaient à souffler un peu leur haleine en surface, comme habités par une déréliction morose tout à fait méprisable » [5]

    « Mes ailes que l'air anime d'un reflet nacré les navre, ces malheureux. Ils essaient de comprendre mon secret. Un coup de vent les fait tourbillonner au ras des pierres tombales comme des flocons de poussière tandis que je m'élève dans le bleu. » [6]

    La Voyageuse nous emmène au cœur d'une fiction fantastique dans laquelle les défunts vivent en société. Cela donne à la narratrice l'occasion de peindre le monde des vivants et celui des morts. Ici la dimension fantastique est très forte (« le sol exhalait », « l'ombre blanche de certains morts », « sucés par leurs propres cadavres », « pierres tombales », « ailes que l'air anime d'un reflet nacré ») et donne un nouvel aspect à l'écriture rolinienne.

    Puis paraît L'Enfant-roi [7] en 1986. C'est un roman qui se déroule sur vingt-quatre heures, chaque heure étant l'objet d'un chapitre. L'ouvrage débute par « Sept heures » et se termine par « Six heures ». Cette composition rappelle celle de La Maison la forêt, ouvrage qui appartient à la deuxième phase. Ce qui montre que l'auteur se sert de procédés déjà utilisés dans une phase précédente. L'Enfant-roi est une narration à focalisation interne. En regardant tous les types de focalisation, précédemment utilisés par l'auteur, on constate qu'il y a dix-sept ouvrages sur vingt-trois dont la narration est prise en charge par « je ». En cela cet ouvrage ne se distingue pas particulièrement des précédents. Le « je » est privilégié parce qu'il correspond à la démarche d'introspection du narrateur.

    L'Enfant-roi confirme ‘l'équilibre synthétique' que nous tentons de dégager dans cette troisième phase. Il est lui aussi constitué par une alternance entre l'écriture de traitement traditionnel et l'utilisation de procédés métatextuels.

    « La famille B. a fêté l'anniversaire de mes sept ans le 14 juin dernier, il est utile d'évoquer cela en guise d'ouverture. Ce jour là, Ida B. ma mère est venue me tirer fort tôt du lit avec un entrain qui m'a paru forcé. Elle voulait que je prenne mon temps pour me faire beau, il y aurait quelques invités à déjeuner. » [8]

    L'incipit est rédigé de manière traditionnelle. Le narrateur justifie sa propre narration. L'enfant annonce qu'il entreprend lui-même un récit :

    « Aujourd'hui 19 août 1984, j'entreprends mon récit. » [9]

    La mise en abyme de la narration (puisque nous avons le récit d'un enfant qui entreprend lui-même un récit) et l'indication temporelle précise reflètent, là encore, cette dualité entre tradition et modernité. Ariel B. décrit sa vie d'enfant au sein de la famille, il cherche à en comprendre les mécanismes, les rôles. Cette volonté de décrire force le narrateur (et l'auteur !) à se dégager des contraintes textuelles, de sorte que l'écriture soit libre de retranscrire au plus près la réflexion. Ainsi nous retrouvons des phrases nominales, une ponctuation forte et un éclatement syntaxique.

    « Chez nous ! Chez nous ! Nous sommes chez nous !

    Bonheur soudain.

    Ma chambre dont la porte-fenêtre est restée ouverte. Balcon. Je rentre dans la forme imaginaire d'Ariel qui rentre en moi. Accord. Le soleil est plus parfumé, vu d'ici. Avec une lenteur calculée qui fait trembler mes poings sur la balustrade, je me rebranche sur la sensuelle tactilité de l'instant. » [10]

    Viennent ensuite Trente ans d'amour fou [11], Vingt chambres d'hôtel [12] et Deux femmes un soir [13]. Ces trois romans peuvent, eux aussi, être considérés comme caractéristiques de la dualité tradition / modernité. Trois romans où le « je » narrateur est en son royaume au milieu de l'amour, la famille ; trois romans dans lesquels « je » cherche à s'expliquer. Et malgré l'apparente stabilité d'une écriture à la fois classique et inspirée de la seconde phase, Dominique Rolin ne cesse de l'enrichir. L'exemple du vocabulaire employé dans Vingt chambres d'hôtel nous montre cette capacité d'évolution du style.

    « Trois minutes de zapping sur le téléviseur, choix d'un show de variétés dont aussitôt la bêtise m'a comblé d'un plaisir paralysant : des garçons et des filles plus beaux les uns que les autres se contorsionnaient au son d'une musique d'enfer. » [14]

    ou encore :

    « À l'autre extrémité d'un couloir crasseux, il y avait un pseudo salon où trônait le téléviseur que j'ai branché sur Canal Plus sans décodeur avec un film porno au programme. » [15]

    « Porno », « zapping », « Canal Plus », « show », « musique d'enfer » voilà un champ lexical de la modernité qui montre à quel point l'auteur et son écriture sont bien ancrés dans le temps qui les accompagne. Le temps est un mouvement constant, l'écriture de Dominique Rolin aussi.

    « Je constate simplement que ces deux-là sont liés par un secret d'entente dont je ne connais pas le fin mot. Si je m'en informais, ils rivaliseraient de silences. Oh rien à voir avec un silence à la Cousteau, ce scaphandrier des profondeurs océaniques ! » [16]

    « Il n'a pas d'autre fonction que d'être là, captivé par les jeux battants qui défilent sur le petit écran. Ce mini-clip m'intéresse sans que je sache pourquoi. » [17]

    « Quel show d'enfer nous propose son génie d'outre-monde » [18]

    En réalisant un tableau regroupant toutes les œuvres romanesques de l'auteur, en les classant par phase et par type de focalisation, nous nous apercevons de deux choses. La première est l'écrasante majorité d'ouvrages à focalisation interne (nous nous y attarderons dans la seconde partie de notre étude) ; nous nommerons la seconde comme une ‘régularité du mouvement'. Nous avons montré que l'œuvre était en évolution permanente mais cette évolution est régulière et nous la supposons calculée si l'on s'attarde sur l'ensemble de la production romanesque. Chaque phase comprend exactement dix romans. Un peu comme s'il s'agissait d'un volume de création nécessaire à l'auteur pour franchir chaque étape.

    ROMANS

    Année

    Phase 1

    Phase 2

    Phase 3

    Focalisation Interne.

    Narrateur Omniscient.

    Les Marais

    1942

    X




    X

    Anne la bien-aimée

    1944

    X



    X


    Les Deux sœurs

    1946

    X




    X

    Moi qui ne suis qu'amour

    1948

    X



    X


    L'Ombre suit le corps

    1950

    X




    X

    Le Souffle

    1952

    X




    X

    Les Quatre coins

    1954

    X




    X

    Le Gardien

    1955

    X



    X


    Artémis

    1958

    X




    X

    Le Lit

    1960

    X



    X


    Le For intérieur

    1962


    x


    X


    La Maison la forêt

    1965


    X


    X


    Maintenant

    1967


    X


    X


    Le Corps

    1969


    X


    X


    Les Éclairs

    1971


    X


    X


    Lettre au vieil homme

    1973


    X


    X


    Deux

    1975


    X


    X


    Dulle Griet

    1977


    X


    X


    L'Enragé

    1978


    X


    X


    L'Infini chez soi

    1980


    X


    X


    Le Gâteau des morts

    1982



    X

    X


    La Voyageuse

    1984



    X

    X


    L'Enfant-roi

    1986



    X

    X


    Trente ans d'amour fou

    1988



    X

    X


    Vingt chambres d'hôtel

    1990



    X

    X


    Deux femmes un soir

    1992



    X

    X


    Le Jardin d'agrément

    1994



    X

    X


    L'Accoudoir

    1996



    X

    X


    La Rénovation

    1998



    X

    X


    Journal amoureux

    2000



    X

    X


    Le Futur immédiat

    2002



    X

    X


    L'écriture rolinienne semble évoluer au rythme du monde qu'elle dépeint. Ce mouvement est illustré aussi par l'emploi de techniques littéraires précises que l'auteur met en œuvre à plaisir et qui lui permettent toutes sortes de variations stylistiques. Nous avons relevé dix procédés régulièrement employés par l'auteur et qui caractérisent la particularité rolinienne.

    I. 2. 4. Les outils romanesques.

    1- Les niveaux de langue.

    Dominique Rolin joue dans ses ouvrages sur la variation des registres du langage. À une terminologie courante viennent se mêler parfois des tournures familières, un vocabulaire argotique, voire grossier ou des mots particulièrement châtiés.

    « Elle est éveillée par un infernal raffut dans l'escalier.

    T'inquiète pas, dit Bébi, c'est les bonnes.

    Le réveille-matin marque cinq heures et demie, Bébi se lave à grande eau dans son lavabo de porcelaine. ‘T'en fais pas, mon loupiot, dors encore un bon coup.' Elle doit sortir, elle a promis son aide à une copine qui déménage, elle peut pas faire autrement. » [19]

    Il y a ici un décalage entre le langage châtié du narrateur omniscient et celui du personnage Bébi qui, par l'emploi des mots « loupiot, raffut » ainsi que par la suppression systématique de l'adverbe de négation ‘ne', est des plus familiers.

    « Sacré cochon, celui-là, avec toutes ces donzelles qui lui couraient après, c'était qu'il avait donc peur de moi, oui, c'était qu'il avait peur car j'ai des yeux pour voir, moi, et des oreilles pour entendre. » [20]

    Dans ce passage du Souffle c'est l'emploi de « donzelles » et la suppression d'une partie de la locution conjonctive ‘parce que'.

    Dans Dulle Griet on trouve même une série de mots grossiers tels « foutre fécondant » [21], « enculerait » [22], « partouze » [23]... Du langage parlé comme :

    « Il y a merde, de la jouissance en réserve ! »

    dans la Lettre au vieil homme [24] ou dans Les Éclairs :

    « hors du champ de la pensée, ceux qui viennent en rêve quand on mange, quand on chie. » [25]

    ou plus récemment dans La Rénovation :

    « Han ! ce mur est la mère de ses beaux enfants. Han ! attrape, salope, attrape femelle. Han, et vlan, et han ! je t'aurai, mur de merde. » [26]

    Ces exemples montrent que l'auteur a toujours désiré coller au plus près de la réalité du langage parlé, du langage courant. Et ce langage évolue forcément en même temps que la société. On imagine mal Bébi, gavroche des années Cinquante, l'un des personnages des Quatre coins, parler « de zapping sur le téléviseur » [27], ce terme (définissant l'action de changer, de manière répétitive, de chaîne de télévision au moyen d'une télécommande à infrarouge) n'est apparu qu'en 1986.[28]

    2- Les néologismes.

    Lorsque Dominique Rolin ne trouve pas LE mot qui la satisferait en désignant exactement ce qu'elle veut signifier, elle n'hésite pas à créer son propre vocabulaire, soit en inventant des mots, soit en formant des mots composés. Déjà en 1958 dans Artémis la narratrice n'hésitait pas à inventer les mots et justifiait même son choix :

    « Ascendre. J'invente le mot ascendre parce qu'il a la couleur qu'il me plaît de donner aux ténèbres... » [29]

    « Il aurait été nécessaire d'agir vite : baiser cette main-tête par exemple. » [30]

    Des mots tels « bijouissance » [31], « inconscientiser » [32], « sac-à-seins » [33], « mœlheureux » [34], si démonstratifs, si adéquats à la pensée qui les habite, sont justes, directs et précis. L'expression « sac-à-seins » résume radicalement la description d'un sous-vêtement féminin, complètement distendu comme un sac. L'expression suppose aussi le besoin de soutien du ‘contenu' par un contenant aussi large et mou qu'un sac et ne donne pas une image attrayante de la poitrine féminine... L'auteur aime aller droit au but et préfère, pour ce faire, plutôt utiliser un seul et unique mot pour exprimer une idée qui en demanderait plusieurs. Il y a une sorte de recherche de l'efficacité. « Mœlheureux » résume assez clairement cette notion de bonheur qui serait aussi doux et ‘nicheur' qu'un oreiller moelleux, on imagine assez bien le couple ‘mœlheureux' faisant la ‘grasse matinée'. D'autre part, du point de vue phonétique ce néologisme se rapproche beaucoup plus de son opposé, malheureux. Ce qui laisse entendre un ton peut-être plus ironique que l'on imagine.

    Non seulement l'auteur joue sur le champ lexical mais aussi sur la ponctuation afin de donner du rythme à son texte.

    3- La ponctuation.

    Chez Dominique Rolin la ponctuation sert à rythmer ses narrations mais aussi à imager les signes écrits ; les évolutions de la pensée du narrateur sont ponctuées comme on ponctue par des gestes un discours oral. On remarque, par exemple, l'importance des deux-points et point-virgules, utilisés à de très nombreuses reprises dans Les Éclairs.

    « Au commencement, toujours la même attitude : couchée sur le côté droit, les genoux pliés » [35]

    « Les maisons que j'ai habitées sont progressivement rongées par ma mémoire : salle à manger, bibliothèque, cuivres, bois, mobilier, miroirs, rideaux ; cuisine aux odeurs insistantes ; w.-c. où l'on rêve en déféquant ; chambres : lits, armoires, draps propres, draps sales ; greniers-dépotoirs ; caves à provisions. En agissant, le souvenir arrache à chaque évocation des fragments qui plus ou moins résistent : il finit par manger les aliments sensuels ; il les digère ; dans sa faim inépuisable, il atteint enfin l'os axial de la maison : l'escalier. » [36]

    L'emploi des deux-points et des point-virgules permet de condenser la description pour la rendre plus efficace. Parfois, les deux-points vont servir à l'auteur pour introduire soit une analepse dans le récit, soit un élément de dialogue, soit une explication.

    « Après-midi du dernier dimanche : l'orgue de Barbarie déroulait jusqu'à moi des rubans sonores : nus, assurés, grêlés au milieu d'un silence stupéfié » [37]

    « La preuve : elle a pris son air frileux rétréci.

    Alors moi :

    Que penses-tu de ma prothèse dentaire ? » [38]

    « Stupeur : cette idée de paternité me traversait l'esprit pour la première fois [...] La question ne manquait pas de piquant : enfermé dans mon propre corps quelqu'un qui était moi sans l'être criait : ‘non, non, non, à bas l'amour !', ce qui rythmait à contresens les gestes de la possession. » [39]

    Les points de suspension sont eux aussi souvent utilisés par Dominique Rolin car ils lui permettent de moduler le rythme afin de rendre la lenteur des gestes, comme par exemple, dans La Maison la forêt, lorsque Lui, irrité du peu de vivacité de sa femme, l'observe :

    « Elle a fini par ranger la... vaisselle... dans... ces... buffets... revient vers... la porte vitrée... qu'elle ouvre... essayant d'échapper là...

    comme moi ici...

    Assez.

    Je m'arrête là à mi-pente parce que j'entends quelqu'un perdre rythmiquement le souffle et s'efforcer en vain de le rattraper : les blancs entre chaque soupir se prolongent. » [40]

    Il arrive aussi que la ponctuation soit presque complètement anéantie dans certains. L'absence de ponctuation intensifie alors le rythme parce qu'elle suppose un manque de temps pour prendre son souffle.

    « moi qui vais cesser d'avoir peur et retrouver à travers le visage de la petite Marie le souvenir de celles que j'ai refusé de toucher moi qui vais pouvoir enfin me tenir sur la rive bord limite berge franche lisière orée frontière tant de mots pour exprimer la même chose moi qui vais pouvoir me reposer d'agir...» [41]

    Et puis, parce que l'auteur exploite toutes les ressources du langage, à l'absence de ponctuation succédera une hyper ponctuation avec une profusion de points, défiant toute logique grammaticale (faisant se succéder les syntagmes, les phrases coupées...) mais pas celle de l'enchaînement de pensées, saccadé, du narrateur.

    « Il faut. Tu dois. Saisir. Les mailles. Du grand filet génétique. Reliant ta vie future. À celle des autres. » [42]

    Les phrases sont, comme dans ces trois passages, constituées d'un sujet et d'un verbe, d'un verbe à l'infinitif, ou alors d'un simple groupe nominal, ou encore d'un infinitif et son complément d‘objet direct, d'un participe présent, etc.

    « Je veux. Terminer le livre. Récemment entrepris. Mais qui sera nourri cependant. D'une masse d'événements. Dont on me croira absente à tort... » [43]

    « Et je m'enchantais d'une liberté totale. Malgré. La menace. De mille résistances. De cent mille obstacles. Essayant. Mais en vain. D'en casser le flux. » [44]

    Ce qui serait une phrase anodine dans un texte : ‘Et je m'enchantais d'une liberté totale, malgré la menace de mille résistances, de cent mille obstacles, essayant, mais en vain, d'en casser le flux' prend tout à coup une place prépondérante par une sorte de maquillage (les points finaux remplacent les virgules traditionnelles) qui permet de faire ressortir chaque mot ou chaque groupe nominal afin qu'il prenne plus d'ampleur, qu'il soit mis en relief comme pour inciter le lecteur à le considérer, seul, dans toute sa signification, dans toute sa beauté et toute sa force (chaque mot est ici littéralement asséné).

    Et afin de souligner un rythme essoufflé l'auteur va employer les points de suspension :

    « ...car je crains de rater mon devoir d'exorcisme surnaturel... Allons. Il me faut... Respirer... à fond. Fournir un dernier effort. » [45]

    Mais il ne se contente pas seulement des jeux rythmiques de la ponctuation, il aime aussi élaguer, laisser entendre et tout simplement ne pas écrire certains mots, ‘oublier' le sujet dans une phrase. L'ellipse sera donc aussi un de ses outils.




    [1] La Voyageuse, p. 107

    [2] V. p. 201

    [3] V. p. 142

    [4] V. plus haut

    [5] La Voyageuse, p. 62

    [6] V. p. 152

    [7] L'Enfant-roi.- Paris : Denoël, 1986.- 285 p.

    [8] p. 9

    [9] ibid.

    [10] p. 121

    [11] Trente ans d'amour fou.- Paris : Gallimard, 1988.- 248 p.

    [12] Vingt chambres d'hôtel.- Paris : Gallimard, 1990.- 195 p.

    [13] Deux femmes un soir.- Paris : Gallimard, 1992.- 235 p.

    [14] Vingt chambres d'hôtel, p. 83

    [15] p. 98

    [16] Deux femmes un soir p. 25

    [17] L'Accoudoir, p. 11

    [18] La Rénovation, p. 21

    [19] Les Quatre coins.- Paris : Seuil, 1954.- 250 p.- p. 105

    [20] Le Souffle, p. 229

    [21] p. 21

    [22] p. 87

    [23] p. 119

    [24] Lettre au vieil homme, p. 158

    [25] Les Éclairs, P. 98

    [26] La Rénovation.- Paris : Gallimard, 1998.- 124 p.- p. 24

    [27] V. Vingt chambres d'hôtel, p. 82

    [28] d'après Le Petit Robert « ZAPPING : n. m. - 1986 ; de l'angl. to zap « zapper »...

    [29] p. 209

    [30] Artémis, p. 155

    [31] Deux, p. 136

    [32] Deux, p. 193

    [33] Deux, p. 60

    [34] Vingt chambres d'hôtel, p. 62

    [35] Les Éclairs, p. 9

    [36] p. 182

    [37] Dans ce cas il s'agit d'une analepse, Dulle Griet, p. 163-164

    [38] Ici les deux-points introduisent le dialogue, Deux femmes un soir, p. 38 et 144

    [39] Et là, introduisent une explication, Vingt chambres d'hôtel, p. 125

    [40] p. 191

    [41] La Maison, la forêt, p. 129

    [42] L'Infini chez soi, p. 136

    [43] Le Gâteau des morts, p. 47

    [44] La Voyageuse, p. 149

    [45] p. 188



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